Adaptabilité et flexibilité des mécanismes d’intégration sensorielle lors de perturbations proprioceptives du contrôle postural -
Projet soutenu par le Pôle en 2010
Michel GUERRAZ (LPNC)
Vincent NOUGIER (TIMC)

Le sujet humain doit continuellement s’adapter aux contraintes environnementales changeantes, notamment pour un maintien postural efficient. Afin de réaliser ce but, son système nerveux central doit évaluer en permanence la pertinence des différentes informations sensorielles (principalement visuelles, vestibulaires et proprio-somesthésiques) dans le but de fournir une réponse comportementale cohérente et unifiée. La manière dont les informations issues de ces entrées sensorielles sont intégrées, sélectionnées et/ou pondérées, en fonction de leur fiabilité, nécessite d’être éclaircie. Plus particulièrement, l’équipe a souhaité explorer le caractère singulier de l’intégration des afférences proprioceptives, dont les récepteurs sont situés sur l’ensemble de la chaîne posturale et signalent des modifications au niveau musculaire ou articulaire.
Le premier objectif de ce travail a consisté à comprendre comment les mécanismes d’intégration sensorielle peuvent être adaptés, lors de perturbations proprioceptives du contrôle postural. La vibration de muscles posturaux constitue un outil méthodologique permettant de stimuler spécifiquement les terminaisons proprioceptives. Du point de vue comportemental, des réponses posturales, orientées en direction du muscle vibré, sont induites par ce type de stimulation. Les différents travaux expérimentaux entrepris font apparaître que l’attente ou l’auto-déclenchement d’une telle perturbation ne permettait pas d’en réduire significativement ses conséquences posturales. A l’inverse une adaptation à la perturbation était observée. Celle-ci prenait la forme d’une réduction marquée de la réponse évoquée après quelques expositions à la stimulation. Cette adaptation n’était pas transférable d’un muscle à son antagoniste. Ainsi, si des mécanismes centraux semblent être à l’origine de ce phénomène, l’adaptation ne peut cependant être expliquée par un moindre poids accordé à l’entrée proprioceptive dans son ensemble. L’adaptation semblait davantage dépendre de la perception de la sortie posturale que de la stimulation : faire l’expérience d’une déstabilisation, amplifiée en demandant au participant de ne pas résister à la perturbation ou, à l’inverse, réduite par l’enrichissement haptique de l’environnement sensoriel, suffisait à s’adapter, lorsque l’équilibre devait être ensuite maintenu activement, lors de nouvelles perturbations sans support. A l’inverse, lorsqu’un support prévenait physiquement la réponse posturale, aucun signe d’adaptation n’était ensuite observé. Ainsi, faire l’expérience des conséquences posturales de perturbations proprioceptives et/ou pouvoir percevoir plus finement les caractéristiques de la déstabilisation semblent être les facteurs nécessaires pour que l’adaptation se mette en place.
A partir de ces constatations, la flexibilité des mécanismes d’intégration sensorielle a été étudiée (en collaboration avec le Minatec IDEAs Laboratory®), en déterminant si les informations de biofeedback, restituant l’orientation posturale via les modalités auditive ou visuelle, étaient susceptibles d’enrichir le faisceau multi-modalitaire classique lors de perturbations proprioceptives. Un biofeedback auditif stéréophonique permettait de stabiliser la réponse à la vibration chez des sujets sains, cependant, dans des latences longues. Parallèlement, un biofeedback visuel, indiquant la géométrie corporelle dans un dispositif monoculaire de vision tête haute, a été développé afin d’améliorer les troubles d’orientation posturale des patients parkinsoniens. L’important développement des technologies MEMS amène à envisager, à court-terme, des dispositifs ambulatoires permettant de rendre les patients plus indépendants dans la rééducation de leurs troubles posturaux.

Motricité de la main et plasticité cérébrale après chirurgie
Chantal DELON-MARTIN, Michel DOJAT (GIN)
Olivier MARTIN, Florent PACLET, Franck QUAINE (Gipsa-Lab)
Ce travail collaboratif entre équipes du pôle cognition et du service de chirurgie de la main, s'appuie sur un PHRC régional, le cluster HVN et une bourse doctorale de l'EDISCE. Certains développements méthodologiques sont réalisés en collaboration avec le LSIS de Marseille.
La restauration des fonctions motrices constitue un enjeu majeur de la chirurgie palliative des paralysies de la main et du membre supérieur chez le patient. La technique palliative du transfert tendineux consiste à utiliser certains muscles restés actifs (innervation intacte ou récupérée) pour réanimer les fonctions motrices paralysées (lésion du nerf radial, médian ou cubital) tout en conservant la fonction motrice initiale intacte. Ce transfert tendineux modifie à la fois la fonction neuro-motrice (nouvelle coordination du geste) et la fonction musculo-articulaire associée (nouvelle mécanique du geste). Quant est-il alors de la plasticité cérébrale et du réseau sensori-moteur suite à cette restauration des performances motrices et gestuelles de la main ? Une étude sur un patient menée grâce à la neuroimagerie fonctionnelle a montré la réapparition précoce et progressive des nouvelles fonctions motrice post-opératoire, avec une réorganisation des réseaux sensori-moteurs primaires. Ces résultats comportementaux permettent de démontrer le réapprentissage des gestes précis des doigts et de la main, exécutés pourtant par un groupe musculaire dont ce n’était pas la fonction initiale. Cette mutation motrice démontre ainsi l’impressionnante plasticité neuromotrice capable d’inverser l’action motrice d’un muscle et sa représentation fonctionnelle. Cette étude a été permise par un rapprochement thématique entre les domaines de la chirurgie réparatrice, des neurosciences motrices, de la neuroimagerie et de la biomécanique du geste dans le cadre d’un projet financé par la Direction de la Recherche Clinique et de l’Innovation (DRCI-CHU Grenoble, PHRC-2010).

La région locomotrice mésencéphalique : approche électrophysiologique chez un primate non-humain

Laurent GOETZ (GIN) et CHU
Bien que les mécanismes physiopathologiques de la marche appelés Freezing de la marche (FOG, lorsque le patient a ses pieds collés au sol) dans la maladie de Parkinson restent inconnus, des études expérimentales établissent que le noyau pédonculopontin (PPN) et la région locomotrice mésencéphalique (MLR) pourraient jouer un rôle crucial dans le mécanisme du FOG. Néanmoins, les résultats préliminaires sont très hétérogènes. En conséquence, l'objectif de cette étude était d'effectuer une cartographie électrophysiologique de la MLR chez le primate bipède au cours de la locomotion à l'aide de micro électrodes d'enregistrement et de la stimulation intracérébrale.

 

Mouvements de la chaîne tympano-ossiculaire et illusions proprioceptives : illusions de sons ?

Agnès JOB (IRBA), Chantal DELON-MARTIN (GIN)

La chaîne tympano-ossiculaire de l'oreille moyenne est une chaîne de trois petits osselets articulée, suspendue dans une cavité creuse par une membrane, des ligaments et les deux plus petits muscles de l’organisme. Cette chaîne tympano-ossiculaire est mise en mouvement de manière inconsciente et passive par des vibrations sur sa membrane, des ondes de pression qui oscillent dans une certaine gamme de fréquence et activent les récepteurs sensoriels de l’organe de l’audition. Dans le domaine des illusions proprioceptives (kinesthésiques) les tendons des muscles de l'articulation des membres peuvent parfois générer des illusions de mouvements, des gestes spécifiques. En est-il de même pour les tendons des muscles de la chaîne tympano-ossiculaire? Sont-ils susceptibles de générer également des illusions de mouvements, qui dans le cas de l'oreille, pourrait être à l'origine de sons illusoires pour le cortex, tels que le sont les acouphènes. Deux études IRMf ont été menées et apportent des arguments à la plausibilité de cette hypothèse.

 

REPARLE : Réapprentissage de la Parole lié à une Exerèse du conduit vocal : réorganisations articulatoires et corticales - Projet soutenu par le Pôle en 2011
Pascal PERRIER (Gipsa-Lab)
Muriel BRIX (Chir. Maxillo-faciale CHU)
Alexandre KRAINIK (Neuroradiologue CHU / IFR1)
Jean François LE BAS (GIN / IFR1) –

Les patients ayant subi une exérèse chirurgicale de la langue ou du pavillon labial suivie de reconstruction doivent réapprendre à déglutir et à parler avec un système moteur orofacial profondément modifié. Certains muscles fondamentaux pour le contrôle des mouvements linguaux et labiaux sont gravement endommagés, de telle sorte qu’ils sont incapables de générer les forces qu’ils produisaient avant l’opération. De plus, les tissus utilisés pour la reconstruction n’ont pas les mêmes caractéristiques mécaniques, en particulier pas la même raideur que les tissus linguaux. C’est à l’étude et à la compréhension des mécanismes cérébraux associés au réapprentissage et à la stabilisation de nouvelles stratégies de production de la parole chez de tels patients que s’intéresse ce projet. Pour cela, nous étudierons avec l’Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle (IRMf) les activités corticales dues à la production de la parole chez des patients en situations pré- puis post-opératoire. Ces activités seront comparées à celles de sujets contrôles sains dans les mêmes tâches de parole.

ACOUSCREEN, développement d’un logiciel interactif pour la caractérisation des sons perçus par les porteurs d’acouphènes - Projet soutenu par le Pôle en 2011

Agnès JOB (IRBA)
Nathalie HENRICH, Christophe SAVARIAUX (Gipsa Lab)
Ce projet a pour objectif la réalisation d’un dispositif de caractérisation perceptive des acouphènes, à partir de l’élaboration d’un logiciel interactif s’appuyant sur de la synthèse sonore temps-réel et une base de données de sons prototypiques des acouphènes. La base de données comportera également des renseignements de survenue de l’acouphène. L’originalité du projet en acouphénologie réside dans le fait que le sujet recherche par lui-même  les fréquences ou les sons complexes qu’il perçoit, en se déplaçant de façon tactile dans un espace sonore. Le logiciel permettra de tester de façon individuelle et anonyme, par retour auditif, les caractéristiques fréquentielles du vécu de l’acouphène. Une fois réalisé, le logiciel ACOUSCREEN sera testé en milieu civil et militaire, sur des sujets porteurs d’acouphènes.

Scènes dynamiques : modélisation corticale de la perception visuelle - Projet soutenu par le Pôle en 2011
Nathalie GUYADER (Gipsa Lab)
Carole PEYRIN (LPNC)
La reconnaissance d’une scène débute par une extraction en parallèle des différentes caractéristiques visuelles élémentaires du champ visuel à différentes échelles (fréquences) spatiales en suivant une stratégie d’analyse par défaut ‘Coarse-to-Fine’. L’analyse rapide d’une information grossière, issue des basses fréquences spatiales (BFS), fournirait un aperçu global de la structure de la scène et permettrait une première catégorisation perceptive. Cette catégorisation serait ensuite affinée, validée ou infirmée par l’analyse plus tardive d’une information fine en hautes fréquences spatiales (HFS). En utilisant des films qui simulent des séquences de traitement ‘Coarse-to-Fine’ et ‘Fine-to-Coarse, nous avons récemment démontré dans une étude comportementale que les séquences ‘Coarse-to-Fine’ sont catégorisée plus rapidement que les séquences ‘Fine-to-Coarse’. Dans le présent projet, nous avons mené plusieurs études comportementales afin de tester différents programmes de construction des séquences dynamiques. Nous avons testé 72 adultes sur une tâche de catégorisation de scènes (Extérieur vs. Intérieur) en utilisant des séquences dynamiques ‘Coarse-to-Fine’ et ‘Fine-to-Coarse’ construites à partir de différents filtres, différents échantillonnages de la fréquence centrale, différentes normalisations et différents temps de présentation des images filtrées qui composent les séquences dynamiques. Nos résultats montrent que les participants catégorise plus rapidement la séquence ‘Coarse-to-Fine’ que la séquence Fine-to-Coarse’ lorsque les séquences sont construites à partir de filtres passe-bandes constants avec suppression de la fréquence spatiale nulle et une normalisation de l’énergie des scènes filtrées. Ces scènes dynamiques particulière semblent donc les plus appropriées pour étudier les bases neuronales de la catégorisation ‘Coarse-to-Fine’ de scènes. En utilisant ces séquences, nous avons réaliser une étude en IRM fonctionnelle sur 12 sujets volontaires sains. Le contraste entre l’activité induite par les séquences ‘Coarse-to-Fine’ et les séquences ‘Fine-to-Coarse’ devrait nous permettre d’identifier le réseau cortical de la catégorisation ‘Coarse-to-Fine’ de scènes.

 

Modélisation cognitive computationnelle de la recherche d'information à partir d’enregistrements conjoints de signaux oculométriques et électroencéphalographiques - Projet soutenu par le Pôle en 2012
Anne GUERIN-DUGUE (Gipsa Lab)
Benoir LEMAIRE (LPNC)
Cette étude vise à améliorer notre compréhension des mécanismes de décision lorsque l’on est face à des documents complexes à haut niveau sémantique et que l’on doit extraire les informations pertinentes. L’oeil humain est sans cesse en mouvement afin d’identifier avec précision les informations saillantes de son environnement. L’une des raisons de ces mouvements saccadiques de l’oeil humain repose sur une meilleure résolution spatiale au niveau de la région centrale de la rétine, la fovéa. L’oeil se déplace ainsi de sorte à placer l’information cible détectée dans la zone de vision fovéale pour une analyse plus fine de cette information. L’étude de ces fixations est un moyen de mieux comprendre la nature des informations extraites et surtout les processus de plus haut niveau engagés à partir de là. Mais la connaissance seule des mouvements oculaires n’est pas suffisante, car la correspondance entre la nature des processus cognitifs et l’information extraite en zone fovéale durant la fixation, est très limitée. L'intérêt de ce projet est donc centré sur les processus de décision dans des contextes de recherche d’information. En effet, lorsque l’on ouvre un magazine, un journal, que ce soit dans une version « papier » ou en ligne sur le web, nous sommes continuellement amené à basculer entre différents modes de lecture, c’est-à-dire d’une part la lecture régulière et d’autre part à l’opposé le « butinage » de mots en mots et tous les modes intermédiaires. La mise en forme de plus en plus sophistiquée des informations, l’attraction réflexe vers d’autres zones, nous induisent des comportements complexes impliquant de façon très imbriquée des processus multiples comme la lecture et la prise de décision (abandon, poursuite, reprise, …).