Des chercheurs en psychologie du LEMC (Lyon) et du LPNC (Grenoble) ont mis en évidence que le fait de tenir un bâton induit l’intention implicite de l’utiliser pour atteindre un objet inatteignable autrement. Cette étude offre également des arguments supplémentaires en faveur de l’existence d’un lien entre la perception visuelle et l’action.

Tout le monde se souvient de Mac Gyver, ce héros de série TV des années 80/90 qui avait pour habitude de détourner les objets de leur utilisation conventionnelle pour résoudre toutes sortes de problèmes. Qui n’a jamais utilisé spontanément un objet d’une manière non conventionnelle pour réaliser une action impossible à réaliser autrement ? Sommes-nous tous pour autant des Mac Gyver qui s’ignorent ? Autrement dit, le fait d’avoir l’intention de réaliser une action impossible à réaliser sans l’outil adéquat induit-il de manière implicite l’intention d’utiliser les objets à notre disposition afin de rendre cette action possible ? Dans une étude publiée dans Experimental Brain Research, des chercheurs en psychologie du Laboratoire d’Études des Mécanismes Cognitifs (EA 3082/ Université de Lyon 2) et du Laboratoire de Psychologie et Neurocognition (CNRS/Université de Grenoble) ont mis en évidence que le fait de tenir un bâton induit l’intention implicite de l’utiliser pour atteindre un objet inatteignable autrement. Les participants de cette étude devaient estimer la distance qui séparait un point de référence, situé juste devant eux, d’une cible (i.e., respectivement les points R et T sur la Figure 1). Certains participants tenaient un bâton (39 cm de long) avec leur main droite et devaient le maintenir sur le point A situé à proximité du point de référence alors que d’autres participants ne tenaient pas de bâton et devaient maintenir leur index sur ce point A. Pour les participants qui tenaient le bâton, l’expérimentateur précisait que ce bâton servait à standardiser la position de la main entre les participants. Afin d’estimer la distance entre le point de référence et la cible, un point de comparaison (i.e., point C sur la Figure 1) apparaissait sur la table.

 

 


Figure 1. Schéma de la situation expérimentale (l’ensemble des points était projeté sur la table grâce à un vidéoprojecteur fixé au plafond) ©Springer

 

Les participants devaient déplacer ce point C jusqu’à ce que la distance R-C soit égale à la distance RT. Après chaque estimation de distance, les participants devaient tenter d’atteindre la cible en pointant avec leur index droit dans sa direction. La distance entre le participant et la cible variait pour chaque essai mais la cible était toujours inatteignable quel que soit sa distance. À aucun moment l’expérimentateur n’évoquait la possibilité d’utiliser le bâton pour atteindre plus facilement la cible. Le principal résultat de cette étude indique que les participants qui tenaient le bâton percevaient la cible comme étant plus proche que les participants qui ne tenaient pas de bâton. Cet effet du bâton sur la perception des distances est habituellement observé lorsque les participants ont explicitement l’intention d’atteindre un objet avec le bâton. La présence de cet effet dans cette nouvelle étude suggère qu’avoir l’intention d’atteindre un objet inatteignable et de disposer d’un bâton pouvant nous y aider suffit à induire l’intention implicite de l’utiliser sans que l’on en ait forcément conscience. Il semble donc que nous soyons capable, tout comme Mac Gyver, de prendre en compte implicitement la possibilité d’utiliser un objet (e.g., un bâton) en le détournant de son usage prescrit (e.g., standardisation de la procédure expérimentale) afin de résoudre un problème auquel nous sommes confrontés (e.g., atteindre plus facilement un objet hors de portée). En outre, l’intérêt de cette étude ne se limite pas seulement à la question de l’émergence spontanée de l’intention d’utiliser un outil. Elle offre également des arguments supplémentaires en faveur de l’existence d’un lien entre la perception visuelle et l’action. Elle contribue notamment au développement d’une perspective de recherche passionnante sur le rôle des contraintes physiques de l’action dans la perception de l’espace.

Références :
Osiurak, F., Morgado, N., & Palluel-Germain, R. (2012). Tool use and perceived distance: When unreachable becomes spontaneously reachable. Experimental Brain Research, 218(2), 331-339.

Contacts chercheurs :
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