Un groupe de chercheurs du Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition (Grenoble), du Laboratoire Praxiling (Montpellier) et du Laboratoire CLLE-LTC, (Toulouse), a étudié pour la première fois l’usage de mots visuels, appelé «verbalisme », chez des adultes aveugles. Les chercheurs ont examiné en particulier si l’utilisation et le développement des autres sens influençaient le vocabulaire sensoriel des personnes aveugles.


On appelle « verbalisme » une caractéristique du langage des personnes aveugles : cela signifie qu’une personne utilise des mots concrets qui n’ont aucun substrat perceptif, qui ne correspondent à aucune expérience sensorielle. Par exemple, une personne aveugle de naissance peut dire que la neige est blanche sans qu’elle n’ait pu jamais voir de la neige. Jusqu’à maintenant, il était souvent conseillé aux enseignants ou même aux parents d’éviter ce « verbalisme ». Des recherches effectuées chez les enfants sur ce « verbalisme » s’intéressaient sur ces potentiels effets négatifs sur leurs développements langagiers. Aucune donnée n’était disponible chez les adultes.

Un groupe de chercheurs du Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition (UMR CNRS 5107) de l’Université Pierre Mendès France (Grenoble, du Laboratoire Praxiling (UMR CNRS 5267) de l’Université Paul Valéry (Montpellier) et du Laboratoire CLLE-LTC, (UMR CNRS 5263) de l’Université de Toulouse Le Mirail, a étudié pour la première fois cette propriété du langage, ce «verbalisme », chez des adultes aveugles. Les chercheurs ont examiné en particulier si l’utilisation et le développement des autres sens influençaient le vocabulaire sensoriel des personnes aveugles.
Trois groupes de sujets adultes ont été testés: des adultes aveugles complets de naissance, des adultes aveugles complets tardifs, et des adultes voyants travaillant sans voir. Il a été demandé à ces participants deux tâches: dans un premier temps, les sujets devaient décrire des  personnes qu’ils connaissent bien (la mère et le père) et dans un deuxième temps, les participants devaient décrire en touchant des objets familiers mais non connus (brosse à dents, portefeuille à scratch, téléphone portable et trousseau de clés).
Les chercheurs pensaient observer chez les aveugles précoces plus de « verbalisme » (références à la vision) dans la tâche descriptive des personnes que dans la tâche descriptive des objets, et plus de références aux modalités perceptives non-visuelles dans la tâche descriptive des objets que dans la tâche descriptive des personnes. C’est ce qui a été constaté en comptant le nombre total de mots se référant à la vision, à l’audition et au toucher (les autres modalités sensorielles ont été peu évoquées). Dans la tâche descriptive des personnes, il n’a pas été trouvé de différence entre personnes aveugles et voyantes quant au nombre de références visuelles (ce qui confirme une tendance au verbalisme chez les aveugles congénitaux) ; cependant, les aveugles congénitaux se sont référés plus souvent à l’audition que les voyants. Dans la tâche descriptive des objets, tous les groupes ont massivement évoqué les propriétés tactiles des objets.

En conclusion, les résultats montrent pour la première fois que la tendance au verbalisme n’est pas systématique chez les adultes aveugles. Sur le plan socio-pédagogique, les résultats montrent que l’usage de mots visuels ne peut être un obstacle à la communication entre personnes voyantes et personnes aveugles de naissance.

Références :
Ces résultats ont été publiés le 11 septembre dans une revue internationale PloS ON :
Chauvey V, Hatwell Y, Verine B, Kaminski G, Gentaz E (2012) Lexical References to Sensory Modalities in Verbal Descriptions of People and Objects by Congenitally Blind, Late Blind and Sighted Adults. PLoS ONE 7(8): e44020. doi:10.1371/journal.pone.0044020

Contact :
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser., directeur de recherche au CNRS
Laboratoire de Psychologie et Neurocognition