Olivier Pascalis du Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition (CNRS/Universités Grenoble 2/Université Chambery) et ses collaborateurs de l’University of Sheffield (UK), ont montré que le champ visuel périphérique des sourds congénitaux est significativement plus large dans la partie inférieure que celui des entendants. C’est en effet dans cette partie inférieure que les signes de la langue des signes sont réalisés.

L’usage de la langue des signes nécessite que l’interlocuteur puisse voir en même temps le visage du locuteur, ses lèvres et les signes qui sont produits au niveau du torse. Il a été montré que la stratégie la plus adéquate pour communiquer en langue des signes est de fixer le nez de la personne ; la bouche étant visible en vision centrale pour la lecture labiale et les signes vues en périphérie.
Les raisons de cette différence de performance visuelle sont toutefois non encore expliquées : sont-elles du à l’entrainement de la langue des signes stimulant le champ visuel inférieur ou bien à une évolution physiologique (neuronal notamment) liée au manque d’input auditif? C’est ce que les chercheurs se sont attachés à expliquer en comparant l’émergence de la différence de taille du champ visuel entre les sourds et les entendants .
Ainsi, en comparant la vision périphérique d’enfants sourds congénitaux (âgés de 5 à 15 ans) avec celle d’entendants du même âge, les chercheurs ont montré que les enfants sourds entre  13 et 15 ans ont un champ visuel identique à celui de l’adulte et donc plus large que les entendants. Par contre chez les enfants plus jeunes (âgés de 5 et 10 ans) le champ visuel périphérique est au contraire plus restreint que celui des entendants, mais augment pour devenir équivalent vers l’âge de 11 ans.
Les chercheurs ont fait l’hypothèse que le développement d’une vision périphérique adulte dépendrait de la maturation des voies visuelles corticales et bénéficierait du feedback auditif qui aiderait à sa calibration chez les enfants entendants, Son absence chez l’enfant sourd expliquerait ce décalage de maturation.
Pour réaliser cette étude, les enfants étaient assis (voir image) face à un dôme dans lequel 96 LEDs étaient implantées. Les participants devaient fixer le centre du dispositif, les LED étaient allumées brièvement dans un ordre aléatoire et les enfants devaient bouger un joystick dans la direction de « l’étoile » ce qui permettait de vérifier si l’enfant avait vraiment détecté la LED et n’avait pas répondu aléatoirement comme cela peut arriver lorsqu’on demande à des enfants jeunes de presser simplement un bouton.

 

 

 Financée par le Royal National Institute for Deaf People (RNID) cette étude est la première à s’être intéressée au développement du champ visuel périphérique chez le sourd.

L’ article scientifique a été publié en ligne  le 4 novembre 2010 sur le site de la revue Developmental Science